La Cour recommande surtout en effet de réduire les très modestes incitations à l’épargne retraite pourtant sous-développée en France, et ne propose rien pour réaliser les objectifs principaux de la création des plans d’épargne retraite (PER) en 2019 :
La Cour est avant tout soucieuse d’un « coût élevé pour l’Etat » qu’elle estime à 1.8 milliard € annuels, bien qu’elle reconnaisse à regret qu’il ne s’agit même pas pour l’essentiel d’une « dépense fiscale ». Cette qualification n'est pas étayée, et sa quantification douteuse, d’abord parce qu'il ne s'agit surtout – hors épargne salariale - que d'un report d’imposition et non d’une déduction acquise : l'État récupérera une bonne partie (voire plus) à la sortie en fonction du taux marginal d’imposition de chaque épargnant à la sortie. L’État lui-même ne considère d’ailleurs pas ce simple différé d’imposition comme une niche (« dépense ») fiscale.
Le rapport considère de plus que la taxation au « prélèvement forfaitaire unique » de 30% des revenus de l’épargne retraite en cas de sortie en capital (PER individuels) est une dépense fiscale, alors que ce PFU de 30% s’applique par défaut aux revenus de tous les produits d’épargne financière (actions, obligations, fonds d’investissement, etc.).
D’ailleurs, en réalité, une grande partie des autres produits d’épargne - livrets réglementés, PEA, et, dans une moindre mesure, assurance vie, qui ne sont pas bloqués sur des durées aussi longues - bénéficient eux d’un taux d’imposition inférieur. Et, même en retenant les 243 millions € estimés de « dépense fiscale » que constituerait cette imposition au PFU des revenus de l’épargne retraite, il conviendrait au moins de les mettre en perspective avec les plus de 2 milliards de vraies dépenses fiscales annuelles pour l’épargne réglementée (livret A, etc.).
Enfin, l’assiette purement nominale de cette imposition ne tient aucun compte de l’impact négatif et exponentiel au fil du temps de l’inflation sur ces revenus, ce qui fait que le taux d’imposition des revenus réels de l’épargne retraite (son pouvoir d’achat) a toujours été supérieur à 30% et parfois même confiscatoire (supérieur à 100%) (1).
L’épargne retraite est donc peu "incitée" par les Pouvoirs publics relativement à d'autres produits d'épargne, et encore moins relativement à ses enjeux économique (financement et compétitivité de l’économie) et social (adéquation des retraites).
Plus grave et même dramatique pour l’économie française et européenne, ce rapport ne fait que proposer de réduire les modestes incitations à l’épargne longue en France au moment où tous les rapports publics français (Noyer) et européens (Ecofin, Letta, Draghi) tirent la sonnette d'alarme sur le très grave problème de compétitivité et de manque de fonds propres de l'économie européenne, Les PER représentent justement – selon les chiffres mentionnés par la Cour elle-même - un progrès en termes d'allocation de l’épargne vers les actions.
Et elle ne propose pas non plus d'alternatives pour améliorer davantage l’allocation de l’épargne retraite vers les fonds propres des entreprises, car sa seule proposition sur ce point ne fait que rappeler une mesure spécifique déjà prise par les Pouvoirs publics, à savoir l’imposition d’un pourcentage minimum des versements dans les gestions déléguées des PER en actifs non cotés … mesure dont la FAIDER a souligné les limites (2).
Il est regrettable que la Cour n'ait pas notamment tenu compte du Rapport Noyer ("développer les marchés de capitaux européens pour financer l’avenir “) d’avril dernier publié par Bercy, qui analyse bien les problèmes d’allocation de l’épargne française et européenne, et préconise - bien à rebours de la Cour - de créer un plan d'épargne Pan-européen de long terme avec incitation fiscale aux investissements en actions européennes.
La Cour ignore par ailleurs un des objectifs principaux de la Loi Pacte et de la création des PER: "offrir aux épargnants des produits d’épargne plus attractifs et plus performants". Si elle évoque brièvement dans le corps du rapport des problèmes de performances et de frais de l’épargne retraite - en partie sur la base d’analyses de la FAIDER - elle n’en souffle mot ni dans sa synthèse ni dans ses recommandations. Pourtant, la FAIDER, seule organisation d’épargnants à avoir été auditionnée, avait exposé ses analyses et propositions pour rendre l’épargne retraite plus performante et pour améliorer son allocation vers le financement en fonds propres des entreprises (3). La FAIDER se retrouve d’ailleurs classée comme fédération « professionnelle » (sic), et le « Comité d’accompagnement de la présente évaluation de politique publique sur l’épargne retraite » ne comprend que des professionnels et une syndicaliste, mais pas un seul représentant des épargnants/citoyens.
La FAIDER regrette donc vivement que les enjeux sociétaux et économiques de moyen et long terme aient ainsi été négligés sur ce sujet fondamental de la préparation à la retraite au profit de considérations purement budgétaires et de court terme.
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